19 avril 2010

Lettre ouverte à l'ami(e) qui voulait savoir ce qui s'était passé le 19 avril 1810

Salut toi !
Ravi que cette histoire du bicentenaire t'intéresse, je vais essayer d'être court, car on pourrait en faire une conférence...
Il s'agit, à mon avis, de la période la plus passionnante de l'histoire de l'Amérique latine. Elle est forcément dans la mémoire collective des peuples (Venezuela, mais aussi les autres), car on nous a matraqués avec toutes ces dates, ces "anecdotes", ces batailles et rébellions tout au long de l'école primaire, collège, lycée. Et puis la quasi totalité des jours fériés non religieux concernent des dates de cette période-là (chacun les siennes, quand même).
Pour planter le décor :
L'émancipation des l'Amérique du Sud envers l'Espagne, a commencé (à quelque chose près, à part quelques tentatives de Miranda un peu avant) en 1810, et notamment ce 19 avril 1810 à Caracas (inutile de dire qu'ils étaient très influencés par les idées de la révolution française, une vingtaine d'années plus tôt). Par la suite, dans tous les pays il y a eu une action forte cette année là, puis des batailles (guerre civile, si on veut), grosso modo entre 1811-12 et 1824-26, avec des proclamation de 1ère République, défaites, nouvelles républiques, etc. La tentative d'union entre plusieurs pays, voulue par Bolivar, ayant échouée ensuite, les pays se sont constitués tels qu'ils sont aujourd'hui à peu près tous vers 1830.
Et le 19 avril ?
En fait, j'aime bien raconter l'histoire de cette journée, d'une part parce que quand j'étais gamin on la jouait à l'école, sous forme de petite pièce de théâtre (enfin, j'ai joué une fois le curé chilien, ce qui était drôle, car j'étais chilien...), et puis d'autre part parce que c'est, encore une fois, un lien avec la France, ou ce qui se passait en France.
Napoléon avait envahi l'Espagne. Il a demis le roi Ferdinand VII, et mis à la place, comme régent, son frère, Joseph Bonaparte -que les espagnols d'Amérique, les créoles, car ils étaient quand même des sujets, appelaient "Pepe Botella" Jojo la Bouteille, car c'était un alcoolo.
C'était l'occasion rêvée pour le premier "putsch" : Les Français venaient à Caracas, pour démettre le gouverneur espagnol, et prendre le contrôle de la "préfecture" (capitanat général). Alors le conseil municipal (cabildo), truffé d'indépendantistes, s'est réuni et a formé la "Junte de défense des droits du roi Ferdinand VII". Le capitaine général espagnol, Vicente Emparan, était évidemment agréablement surpris ! Ils ont expliqué aux français qu'ils ne les acceptaient pas comme chefs. Emparan s'est dit, bon bein, au boulot, je continue à diriger... Mais la Junte lui a dit que lui non plus il ne pouvait pas diriger, puisqu'il était le représentant d'un roi qui n'était plus sur le trône. Offusqué, il s'en est remis au peuple... il a décidé de sortir au balcon de la mairie de Caracas (l'actuelle, je ne sais pas si tu es allée à Caracas, c'est juste sur la place Bolivar) et, comme toute la ville était sur la place, il a demandé aux gens "Voulez-vous que je continue à gouverner ?"... les gens étaient curieux, mais ne comprenaient pas tout ce qui se passait (il n'y avait ni journalistes, ni afp, ni twitter) alors, le petit curé José de Madariaga, placé juste derrière Emaparan, a fait un signe de "non" avec son bras, par dessus la tête du capitaine... évidemment le peuple a répondu : "nooon". "Et bien, si c'est ainsi, je ne veux pas de commandement", a dit celui ci en se retournant avec sa cape. Et voilà comment la Junte resta en place, et commença le travail de séparation d'avec l'Espagne. Un an plus tard, le 5 juillet 1811, jour férié également, on signait la première constitution (acte de l'indépendance).
Enfin voilà, je trouve cette histoire chouette, car il n'y a pas de sang, ce n'est pas une bataille, c'est de la politique, de la ruse et de l'information (ou désinformation).
La vie de Bolivar est très intéressante et retrace un peu tout ça. Mais je préfère celle de Miranda, dont j'ai une bonne bio en espagnol, mais je n'ai rien vu en français. Francisco de Miranda, le précurseur (1750-1812), était bien plus âgé que Bolivar (1783-1830). Fils d'espagnols des Canaries (donc une sorte de Martiniquais en France), a vite compris qu'il n'arriverait à rien car il n'était pas "péninsulaire". Il a ensuite participé à l'indépendance des USA, puis à la révolution française. Général à Valmy (un des trois N°2), son nom est gravé sous l'arc du triomphe. Il a failli être guillotiné (il était girondin je crois), puis partit faire le tour d'Europe pour chercher des fonds pour libérer l'Amérique, ou au moins pour qu'elle change de monarchie. Angleterre, Russie (où il rencontra Catherine II), Italie, etc... bref, ça me dirait bien d'en faire une bédé !

ouh là, je suis long, faut que j'y aille.
il y a une synthèse ici : http://www.herodote.net/histoire/synthese.php?ID=325
mais tu dois certainement en trouver d'autres.