17 juin 2010

France, des rendez-vous manqués

Aujourd’hui c’est le France-Mexique. Un souvenir mondial sur la France ? Au Mexique… le quart de finale face au Brésil en 1986… Platini qui rate le tir au but, Luis Fernandez qui marque. Bien sûr, je me souviens. Mais non, c’est trop facile. J’ai en fait deux grands souvenirs de coupe du monde avec la France, et ce sont deux grands rendez-vous manqués : 1994 et 1998.
En 1993, pour ceux qui ne le savaient pas, la France ne s’est pas qualifiée pour la Coupe du Monde USA’94. C’était le drame. Enfin, l’élimination s’est jouée à Paris, en deux temps : France-Israël en octobre, France-Bulgarie, le 17 novembre. J’y étais. Aux deux matchs. Les Bleus avaient une belle équipe : Blanc, Deschamps, Petit, Lama, Papin, Cantona. Très belle équipe. Il ne leur manquait plus qu’un point pour se qualifier. Un match nul, soit contre Israël, qui n’avait jamais battu personne, soit contre la Bulgarie de Stoïtchkov. Hristo Stoïtchkov, attaquant du FC Barcelone, parfaitement hispanophone. Forcément, pour le match contre Israël, tout le monde était confiant. J’étais en tribune de presse, et on nous avait annoncé une surprise : un invité spécial. La France savait depuis plus d’un an qu’elle organiserait le Mondial en 1998. Ce match était une formalité. Les enceintes chantaient à tue-tête : « L’Amérique, l’Amérique » de Joe Dassin. Ou alors c’était Téléfoot, je ne me souviens plus. La star arriva : c’était Pelé. Je préfère l’Argentine au Brésil, Maradona à Pelé. Mais c’était quand même Pelé. Je n’avais que 19 ans, je n’étais pas encore journaliste, j’avais déjà une carte de presse, d’un journal régional vénézuélien, El Correo del Caroní, ce qui me permettait de voir mon premier match de l’équipe de France en tribune de presse, or parmi les journalistes, demander un autographe, ça ne se fait pas. Mais c’était quand même Pelé. Je me suis dit que je ne le reverrai peut être jamais. J’ai alors pris le programme, ouvert à la page où l’on parlait de lui, avec sa photo en noir et blanc. Tandis qu’il attendait pour parler avec Thierry Roland et Jean-Michel Larqué, je lui ai dit que j’étais du Venezuela, grand sourire, « Venezuela, muy bonito, yo de brasil, somos vecinos ». Il a signé « Do amigo, Pelé ». Les Bleus ont perdu contre Israël, 3-2, puis contre la Bulgarie 2-1. C’était le drame. Je me souviens de la joie des journalistes bulgares, du dépit méprisant et sarcastique de nombreux journalistes français (l’un m’a dit : « je suis ravi, je verrai la coupe du monde assis sur mon fauteuil en cuir, une bière à la main »), des quelques questions que j’ai posées à Cantona, à Stoïtchkov. Mais je n’ai gardé que l’autographe de Pelé.
En 1998, pour ceux qui ne le savaient pas, j’habitais à Caracas. Cela faisait moins d’un an que j’étais rentré au Venezuela. Je savais tout de la coupe du monde en France, je connaissais tous les stades, tous les joueurs, j’avais vu toute l’évolution, la ré-génération, la renaissance des Bleus. La rage de vaincre, l’envie d’effacer l’humiliation de 93-94. Mais moi, je ne pouvais pas y aller. Trois chaînes de télé vénézuéliennes envoyaient des équipes, mais ils préféraient garder les mêmes commentateurs, souvent ensemble depuis longtemps. Copinage, quand tu nous tiens. Peu importe, j’ai participé au tirage au sort pour avoir le droit d’acheter des places. Et j’ai gagné : j’avais des places pour un quart de finale et une demi-finale à Marseille. Mais cela faisait trois ou quatre mois que j’avais trouvé un job dans un grand quotidien national. Donc, hors de question d’avoir ne serait ce que cinq jours de congés. C’était le drame. La coupe du monde à laquelle je devais assister, je la verrai de loin, des fois au boulot. Parmi tous ces vénézuéliens qui soutenaient le Brésil. A quoi bon supporter une équipe qui gagne toujours ? N’ont-ils pas pitié de nous les Brésiliens ? Je ne supporte pas le Brésil. Pour les chambrer j’ai mis, le premier jour où la France a joué, un jean blanc, une chemise bleue, un mouchoir rouge dans la poche de chemise. Et j’ai parié que… la France battrait le Brésil en finale. Les Bleus ont tout gagné et je n’y étais pas. C’était le drame. Je n’ai pas vu les Champs Elysées. J’ai vu la finale, avec des centaines d’invités, à la résidence de l’Ambassadeur de France au Venezuela, il n’y connaissait rien, mais était sûr d’une large victoire. J’étais content pour les Bleus, mais pour moi c’est aussi un rendez-vous manqué.

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